Don de moelle osseuse : entretien avec Thomas Hug De Larauze et Thierry Biset

Thomas-Thierry_Siège de l'EFS

A quelques jours de la sortie grand public de « Promesse », une quête intime qui retrace la vie de Laurène et son combat contre la leucémie, Thomas Hug De Larauze son frère jumeau et réalisateur du film et Thierry Biset, pharmacien, biologiste, responsable des centres de donneurs de moelle osseuse à l’EFS reviennent respectivement sur les coulisses de cette histoire familiale et la réponse médicale à la maladie. 

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Thomas : Pour Laurène, tout a commencé par des problèmes de dents alors qu’elle était partie étudier au Canada. Malheureusement, ces symptômes cachaient une maladie plus grave : une leucémie. Par la suite, elle a pu bénéficier d'une greffe de moelle osseuse de ma grande sœur Marine. 
A ce moment-là, Laurene a commencé à filmer son quotidien et à se confier face à l’objectif, seule, entre amis ou en famille. Mais au bout de 6 ans il a fallu lui faire une greffe de poumon qui a engendré des complications qui ont causé son décès. Avant de nous quitter, elle m’a confié vouloir faire un film pour partager son histoire et sa vie. Je lui ai donc promis de l'aider même si je n’avais aucune expérience dans la réalisation de film. 
 

Pour soigner les personnes touchées par la leucémie, l’un des traitements est la greffe de moelle osseuse. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la moelle osseuse et pourquoi la greffer à des malades ?  
 

Thierry Biset : La moelle osseuse, à ne pas confondre avec la moelle épinière, est un tissu qui est composé de cellules souches hématopoïétiques présentes à l'intérieur des cavités osseuses des os longs et des os plats. Elle va jouer un rôle crucial dans la production des principales cellules sanguines : les globules rouges qui assurent le transport de l'oxygène jusqu'au tissu, les globules blancs qui composent l'essentiel des cellules du système immunitaire et les plaquettes qui permettent la coagulation. 
C’est pour cela que lorsqu’il y a une compatibilité entre un donneur et un patient, on procède à une greffe de moelle osseuse qui permet de :

  • Remplacer les cellules sanguines malades ou dysfonctionnelles du patient par des cellules saines du donneur. 
     
  • Restaurer la fonction immunitaire indispensable pour combattre les infections et les maladies.
     
  • Traiter les maladies.
     
  • Favoriser la régénération et la production des cellules sanguines. 
     
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Thomas : Avec une chance sur quatre d’être compatible au sein d’une fratrie, quand on nous a annoncé que la solution pour guérir Laurène c'était la greffe de moelle osseuse, on rêvait tous d'être donneur. Et moi le premier ! D’autant plus que nous étions de faux jumeaux. Finalement les tests ont montré que seule ma grande sœur Marine, était compatible. 

A ce moment-là, chacun oublie sa frustration de ne pas être compatible pour laisser place à l’immense bonheur de savoir que l'un de nous pouvait donner sa moelle à Laurène. On garde tous un souvenir incroyable de ce moment. Après la greffe qui a eu lieu au CHU de Nantes, pour nous, à cet instant-là, Laurène était guérie. C'était la victoire.


Dans le cadre des greffes de moelle osseuse, la compatibilité est très compliquée à atteindre… 
 

Thierry Biset : La compatibilité est un enjeu majeur. Elle repose avant tout, sur le système d'histocompatibilité HLA (Human Leukocyte Antigen), la carte d'identité biologique de l’individu. Les gènes HLA qui interviennent dans le système immunitaire ne représentent qu’un héritage limité du patrimoine génétique des parents à l’enfant.

Par contre, au sein d’une fratrie, 2 enfants peuvent partager 100% du même patrimoine génétique du père et de la mère. On a donc 25% de chances au sein de la fratrie d'avoir une compatibilité totale ; 50% d'avoir une compatibilité partielle et 25% de risque de ne pas avoir de compatibilité.

A côté de cette compatibilité intra familiale apparentée, il peut y avoir une compatibilité avec des donneurs non apparentés inscrits dans la base de données du registre de greffe de moelle osseuse. La probabilité est d’une chance sur un million dans ce cas. En France, ce registre comptabilise 400 000 donneurs et au niveau mondial, 41 000 000 de donneurs potentiels pour le don de moelle osseuse. 
 

Le but de votre film, c’est aussi d’inciter les donneurs à se mobiliser. Quel message voulez-vous leur envoyer ?   
 

Thomas : Nous avons eu de la chance, malgré tout, d'avoir eu une personne compatible dans la famille. Ce n’est malheureusement pas le cas pour beaucoup de personnes. 
Par ailleurs, c'est un vrai engagement ; il est important qu'ils en aient conscience. 

Malheureusement, ce sujet est encore trop peu connu. Beaucoup de gens confondent la moelle osseuse et la moelle épinière y compris des journalistes encore récemment. Il faut donc continuer à faire de la pédagogie en incitant par exemple un maximum de personnes à aller sur le site de dondemoelleosseuse.fr. 
Il est également possible de s’engager à être « veilleur de vie ». J’adore cette expression ; je trouve ça magnifique. Si ce film peut permettre ça, pour moi, ça sera un vrai succès !
 

Quel est le rôle de l’EFS dans le don de moelle osseuse ? 
 

Thierry Biset : Le don de moelle osseuse en France repose sur un réseau structuré comprenant des centres donneurs (rattachés soit à l'EFS soit aux CHU, ou aux deux) coordonnés par l'Agence de biomédecine. L'Agence assure la liaison entre les centres et veille à l'intérêt du donneur ainsi qu'à la conformité de la procédure.
 

Le centre donneur de l'EFS joue un rôle central et pluridisciplinaire dans le cadre d'une greffe non apparentée, avec un accompagnement constant du donneur. Ses missions incluent la sensibilisation et la sélection des candidats, leur inscription sur le registre France Greffe de Moelle Osseuse (où ils deviennent des "veilleurs de vie"), le recrutement en cas de compatibilité, l'organisation du prélèvement, et le suivi médical et administratif.

L'inscription peut se faire à domicile via un kit salivaire (70% des cas) ou lors d'un rendez-vous sur un site de l'EFS (maison du don ou collecte mobile) avec un entretien médical et un prélèvement sanguin. Les échantillons (salive ou sang) sont analysés pour le typage HLA par un laboratoire régional de l'EFS. Les informations administratives, médicales et biologiques sont transmises à l'Agence de biomédecine via le réseau SYRENAD (Système de recherche nationale de donneur).

En cas de compatibilité, le centre donneur recontacte le donneur pour vérifier son engagement et son état de santé, effectue des analyses complémentaires et organise une consultation au centre greffeur pour confirmer la compatibilité. Il gère ensuite les étapes précédant le recueil de cellules souches (bilan d'aptitude, recueil du consentement au tribunal), organise le prélèvement (soit de cellules souches périphériques à l'EFS, soit de moelle osseuse à l'hôpital), et assure le suivi médical et administratif du donneur pendant un an, puis annuellement pendant dix ans.
 

Si vous souhaitez devenir donneur, plus d’information
 

Aujourd’hui, vous sortez ce film et accomplissez cette promesse. Vous mobilisez les donneurs et faites parler du don de moelle osseuse. Quel sentiment vous anime notamment depuis le succès de l’avant-première au Grand Rex ?

Thomas : En ce moment, c'est une période très particulière que je n’avais jamais vécue. C'est intense, mais ce sont des moments incroyables grâce aux rencontres exceptionnelles que j’ai faites.

Quant au succès du film, si on m’avait dit il y a 2, 3 mois qu’on allait remplir le Grand Rex je ne l’aurais pas cru. C'est aussi grâce à la mobilisation des partenaires du film qui défendent plusieurs causes, notamment autour des cancers pédiatriques et des dons de vie. Le film met également en avant celles et ceux qui œuvrent sur le terrain, dont l’EFS évidemment, l’agence de biomédecine et toutes les associations partenaires y compris celles mobilisées sur d'autres causes comme l'accompagnement face à l'isolement ou le développement de la recherche clinique sur l'adaptation des traitements entre l'adulte et l'enfant. Il reste encore des causes à défendre comme l'accompagnement face au deuil, sur lequel j'aurais aimé être accompagné.

Aujourd'hui encore partout en France, sur chaque avant-première, l’engouement ne faiblit pas. J’apprécie ces moments que je vis souvent en famille. On se retrouve à aller dans des villes que je ne connaissais même pas. A chaque fois, ce sont des émotions différentes mais avec de superbes rencontres, des supers échanges. 
 

On espère que les salles de cinéma vont jouer le jeu en diffusant massivement le film à des horaires stratégiques pour offrir l’opportunité à un maximum de personnes d’aller voir le film